Voyage de retour vers la Maison du Père.
EDITORIAL
Philippe DUPONT
Il était 7h35 du matin, ce 21 avril lorsque le Pape François a rendu son dernier souffle à l’âge de 88 ans, victime d’un arrêt cardiovasculaire irréversible dans sa résidence de Sainte Marthe au cœur du Vatican. Mort un lundi de Pâques, tout un symbole pour les 1,3 milliards de Catholiques, dont les plus fervents n’ont pas tardé de rappeler qu’il était retourné à la Maison du Père, lui l’Evêque de Rome qui avait consacré sa vie au service du Seigneur et de l’Eglise. Pour les autres, dont l’auteur de ces lignes, il aura fait le « job » jusqu’au bout, en témoigne son ultime apparition au balcon de la Basilique St Pierre face à des milliers de fidèles sur la Place pour donner la bénédiction « Urbi et Orbi » (à la Ville et au Monde) même si le texte fut lu par l’un de ses collaborateurs.
Bien qu’à bout de forces, le Saint Père avait tenu à saluer, une dernière fois, à bord de sa Papamobile, les milliers de fidèles au cœur de la Place St Pierre. Auparavant, il avait rencontré de façon brève mais cordiale, le vice-président Américain, JD Vance, Catholique fervent fraichement converti en 2019, mettant de côté ses vives critiques contre l’administration Trump concernant sa politique migratoire, taclant au passage le locataire de la Maison Blanche le qualifiant de personne qui veut construire des murs et non des ponts et qui n’est pas chrétienne ».
L’annonce de sa mort a surpris le monde entier, au-delà des fidèles et les nombreux hommages ont afflué pour saluer la personnalité de ce Pape populaire qui au cours de ses douze ans de pontificat aura su faire bouger "certaines lignes" au cœur de l’Eglise Catholique...
Lors de son élection en 2013 qui constitua également une surprise car le prélat argentin Jorge Berdoglio était alors un illustre inconnu , remplaçant un Benoit XVI qui avait renoncé à sa lourde charge, cet ancien Archevêque de Buenos Aires est devenu le premier Evêque de Rome non Européen (même si ses parents étaient d’origine Italienne, ayant émigré en Argentine en 1929), mais également le premier Jésuite et qui n’a pas tardé à proclamer sa fibre progressiste, choisissant comme prénom celui de François, en hommage à St François d’Assise, toujours en quête à venir en aide aux plus déshérités…
Un Pape progressiste donc mais également un homme à poigne qui avait entrepris une restructuration de la Curie Romaine, la jugeant trop conservatrice (pour ne pas dire réactionnaire et rétrograde) et souvent repliée sur elle-même, peu amène à perdre ses privilèges, n’hésitant pas à tancer certains de ses collaborateurs afin qu’ils s’engagent à être plus transparents et surtout plus simples.
Il aura donc réussi partiellement à faire bouger les « lignes » au cœur de l’institution, se faisant toutefois quelques solides adversaires effrayés par sa volonté de réforme et d’ouverture, d’autres ne manquant pas de lui nuire au début de son pontificat en l’accusant d’avoir « fricotté » avec la Junte Argentine alors qu’il était Archevêque de Buenos Aires mais ces accusations restèrent sans suite...
Durant, son pontificat, François n’a cessé de lutter contre les abus sexuels au sein de l’Eglise, et s’est imposé comme le maitre d’œuvre d’une ouverture sociale a contre-courant des traditions rigides de l’Eglise Catholique, adoptant un ton beaucoup plus inclusif envers les personnes LGBT, les divorcés remariés et les femmes dans l’Eglise (mais sans en changer la doctrine), tout en encourageant le dialogue interreligieux.
Toutefois, il n’a pas franchi la ligne « rouge » en restant un fervent adversaire de la pratique de l’avortement, campant là sur une position autant prudente que conservatrice. Non dénué de sensibilité écologique, il a incité l’église, via une encyclique à une prise de conscience de la sauvegarde de la Planète et pris une posture politique visant à dénoncer l’économie politique qui tue, dénonçant au passage les dérives du capitalisme sauvage et l’injustice sociale…
En fait, François ne cessait de répéter qu’il souhaitait « une Eglise pauvre pour les pauvres », se positionnant toujours du côté des plus humbles, des réfugiés, des malades et finalement des « laissés pour compte), préférant visiter régulièrement des prisons, des camps de réfugiés, recevant même des sans-abris au Vatican.
Certains ont vu en lui un « anti-européen » du fait qu’il portait un regard très critique sur le vieux-continent matérialiste qu’il jugeait souvent en déclin spirituel et moral : ce qui est un peu exagéré, lui le comparant plutôt à « une grand-mère fatiguée » engluée dans l’individualisme et l’oubli de ses racines chrétiennes. Il préconisait au contraire une « Europe accueillante » plus solidaire des migrants et moins obsédée par la sécurité et les frontières, étant de facto a l’extrême opposé des nationalistes ou autres populistes qui prêchent le contraire.
Ici en France, on a été quelque peu étonné de son refus de venir assister à la réouverture de Notre Dame de Paris, préférant fouler le sol Corse et rendre visite à son ami l’évêque-cardinal d’Ajaccio, Mgr Bustillo. Malgré une précédente visite pleine de ferveur au Stade Vélodrome à Marseille, le prélat ni francophile ni francophone ne considérait pas la France comme « la fille aînée de l’Eglise » contrairement à ses deux prédécesseurs. En outre, à l’opposé de la boulimie de voyages d’un Jean Paul II, François préférait parfois aller à la conquête de lieux improbables à faible tradition catholique, bien plus intéressants selon lui pour un pasteur en quête d’évangélisation de terres nouvelles…
Cinq jours de deuil national ont été décrétés en Italie avant ses obsèques qui se dérouleront samedi prochain. Le 266ème évêque de Rome sera inhumé, non pas sous la Basilique St Pierre comme bon nombre de ses prédécesseurs mais plutôt au cœur de la Basilique St Marie Majeur, une première depuis trois siècles… Un Conclave va se réunir dans les prochains jours et les 145 cardinaux du Sacré Collège devront élire son successeur. Déjà, le nom de certains favoris ont été évoqués mais nul ne sait (sauf peut être Dieu, diront les croyants) qui apparaitra au balcon, juste après la fumée blanche signifiant « Habemus Papam » … Un autre progressiste ? un conservateur ? Ni l’un, ni l’autre ?
Réponse d’ici une vingtaine de jours, en attendant, RIP Pape François….

