Sébastien LECORNU
A nous, Matignon, pour le meilleur comme pour le pire !
EDITORIAL


Sébastien Lecornu, nommé Premier Ministre le 9 septembre 2025.
Pour une fois, Emmanuel Macron n’a pas pris « son temps » et fait durer le suspense comme il aime le faire depuis 8 ans : dès le lendemain du « renversement du Gouvernement Bayrou », le voilà qu’il nomme Sébastien Lecornu à Matignon. L’ancien ministre de la Défense, dont le nom avait déjà été évoqué il y a neuf mois avant de "se faire coiffer au poteau" par François Bayrou. Ainsi l’un des plus jeunes chefs de gouvernement de la Vème République, puisqu’âgé de 39 ans seulement succède à l’un des deux plus anciens…
« Une véritable provocation ! » s’est indigné la virulente député LFI Mathilde Panot , à l’annonce de cette nomination, fustigeant un Chef de l’Etat « hors-jeu » qui place à Matignon un de ses plus fidèles soutiens, membre de tous les gouvernements depuis 2017. On a également entendu d’autres voix de LFI annoncer qu’elles lanceraient de facto une motion de censure avant même que le nouveau Premier Ministre n’ait prononcé le moindre mot sur ses intentions !
Et se voulant le chef de file du lancement de destitution d’Emmanuel Macron, jugé responsable de tous les maux dont souffre la France, en oubliant au passage que le Parti de Jean-Luc Mélenchon avait permis sa réélection en 2022 !. Ayant vaguement cru à une hypothétique nomination d’un des leurs, les Socialistes n’ont pas tardé à montrer leur déception sur ce choix, sous le regard narquois de LFI qui ne cesse de tacler le parcours sinueux de son ex-partenaire du Nouveau Front Populaire.…
Le RN qui a pris goût au rôle d’arbitre d’un jeu politique de plus en plus instable a quant à lui réclamer de nouvelles élections, persuadé de pouvoir les remporter cette fois-ci et ce, malgré les démêlés judiciaires de Marine Le Pen. On l’aura compris seul le « Bloc Central » et une grande partie de la Droite s’est réjoui de la nomination de Sébastien Lecornu, qui malgré sa jeunesse possède donc comme atout ce long parcours ministériel, depuis sa nomination comme secrétaire d’Etat à la transition écologique en 2017 jusqu’au poste stratégique de Ministre de la Défense.
Ce jeune homme discret fait partie de ceux qui n'ont pas vraiment de métier sinon celui de professionnel de la Politique qu'il pratique depuis l'adolescence. Cet ancien de l’UMP rallié de la « première heure » à Emmanuel Macron est connu pour être un habile négociateur et un homme de consensus mais il prend le pouvoir dans un climat politique et social houleux, marqué par des manifestations du mouvement « Bloquons tout », des protestations à l’échelle nationale contre la politique gouvernementale.
Alors, dans ces conditions, comment pourrait-il mieux réussir que son prédécesseur, politicien madré et riche d’une longue expérience politique, mais dont le « baroud d’honneur », celui de proposer un vote de confiance s’est transformé en échec cuisant ? On ne saurait s’aventurer à donner une réponse catégorique à ce type de question tant l’instabilité politique et la défiance de l’opinion vis-à-vis de ses dirigeants ne cessent de croître.
Rappelons-le, le principal défi de Sébastien Lecornu est de négocier l’adoption du budget national pour 2026, dans une Assemblée divisée entre la gauche, la droite et l’extrême droite. L’agence de notation S&P Global a maintenu la France sous une perspective négative, soulignant que les défis fiscaux persistent malgré ce changement à la tête du gouvernement.
Elu d’un département Normand, l’Eure dont il a présidé le conseil départemental et qui a élu naguère des figures politiques, comme Pierre Mendès-France, René Tomasini, Jean-Louis Debré ou encore Bruno Le Maire, dont il a été l'un des proches.
L'ancien maire de Vernon est réputé pour sa discrétion, son sens du consensus et son aptitude à gérer les crises, des qualités déjà valorisées lors du mouvement des Gilets jaunes et des débats publics et entamant une nouvelle étape dans la politique française, en espérant pratiquer une gestion efficace et apaisée des urgences, avant de penser que seule une dissolution ou le départ du Chef de l’Etat allait résoudre tous les problèmes et que l’approche d’élections importantes (telles les municipales au printemps prochain)
Cependant, la durée de vie politique du futur gouvernement Lecornu reste bien évidemment très incertaine, tant la radicalité de certains partisans du Chaos et d’autres adeptes du populisme s’est ancrée dans le marigot politique.depuis la réélection d'Emmanuel Macron en 2022.
L’absence de majorité claire à l’Assemblée, ou aucune force n’atteint les 289 sièges nécessaires et peu amène à la culture de compromis pourtant adoptée par tous nos voisins reste un sérieux handicap pour n’importe quel chef de gouvernement actuel, faisant regner une ambiance de « IVème République » au cœur d’une « Vème » qui n’aura connu très longtemps que des majorités claires et absolues…
Alors, la seule possibilité de réussite de Sébastien Lecornu résidera dans sa capacité à négocier (vraiment) avec les partis, les corps intermédaires et les élus de terrain et de préparer sereinement le budget, à savoir obtenir une coalition de circonstance ou a minima des « accords budgétaires ».
S’il réussit, il pourra ainsi espérer tenir jusqu’à la fin du douloureux deuxième mandat présidentiel (rappelons que les deuxièmes mandats sont toujours douloureux : De Gaulle, Mitterrand ou Chirac en sont la parfaite illustration).
A contrario, s’il échoue, la France continuera à se transformer en « championne de l’instabilité » et ouvrir la porte du pouvoir à des formations politiques beaucoup moins pragmatiques et qui feront croire à des lendemains qui déchanteront vite…


Philippe DUPONT