L'ETONNANT MONSIEUR LECORNU
De Vernon à Matignon, itinéraire d'un enfant de la politique....
EDITORIALACTUALITÉ
Il y a dans le parcours de Sébastien Lecornu une constance rare, presque déroutante à l’heure des carrières éphémères. Devenu Premier ministre dans un contexte de crise et de fragmentation politique, il a su imposer son style : calme, précis, méthodique…
Et s’il vient d’échapper de justesse à une motion de censure, c’est moins par miracle que par maîtrise — celle d’un homme qui connaît l’État jusque dans ses moindres rouages. À 39 ans, Lecornu incarne une forme de maturité politique prématurée. Formé dans les rangs d’une droite républicaine qu’il n’a jamais reniée, passé par les arcanes du macronisme sans s’y diluer voire à chambouler certains de ses totems , il apparaît aujourd’hui comme un chef de gouvernement lucide et discipliné.
Ni idéologue, ni tribun, il s’inscrit dans une tradition d’efficacité républicaine que la politique française semblait avoir oubliée. Mais cette victoire parlementaire, arrachée au fil des compromis et des fidélités fragiles, n’efface pas la précarité de sa position. Une épée de Damoclès demeure suspendue au-dessus de Matignon : la menace d’une majorité introuvable, d’une opposition hargneuse et revancharde, et d’une opinion publique instable. Lecornu le sait.
C’est pourtant dans cette tension qu’il déploie sa stratégie : faire renaître une droite sociale, rigoureuse dans la gestion mais attentive aux inégalités, enracinée dans les territoires et attachée à l’autorité de l’État. Une ligne de crête, entre responsabilité et justice, qui pourrait redonner souffle à un espace politique en quête de cohérence.
Sébastien Lecornu ne cherche ni l’effet, ni la gloire : il cherche la durée. Son autorité tranquille, son sens du devoir et sa loyauté envers les institutions font de lui un Premier ministre atypique dans une époque de tumulte. Il gouverne sans éclats, mais avec un sens aigu de la gravité et du temps long.
L’étonnant Sébastien Lecornu, c’est désormais cela : un Premier ministre de l’équilibre instable, rescapé d’une censure, conscient que le moindre faux pas pourrait le précipiter dans la chute — mais décidé, plus que jamais, à tenir le cap de l’État et de distiller l’art du compromis, ce que n’ont pas réussi à faire ses deux prédécesseurs, pourtant des vétérans aguerris qui officiaient déjà à une époque où lui-même n’était pas encore né !

