Le journal d'un prisonnier.

L'ancien détenu ephémère qui écrit plus vite que son ombre

EDITORIALACTUALITÉ

Il est clair que la parution imminente du « Journal d’un prisonnier » « écrit » par Nicolas Sarkozy, ancien président de la République et éphémère détenu à la Prison de la santé, après avoir « purgé » 21 jours de détention n’est pas passée inaperçue. Dix jours après avoir quitté les 9 m2 de sa cellule pour retrouver le confort douillet de son domicile du 16ème arrondissement de la Capitale, celui qui fut chef de l’Etat entre 2007 et 2012 a annoncé que son nouvel ouvrage sortira le 10 décembre.

Cette rapidité d’exécution étonne quelque peu même si l’ancien maire de Neuilly est connu pour être un « homme pressé » qui aime faire le buzz, dans les moments glorieux comme dans les plus sombres. Le voilà devenu le nouveau « Lucky Luke », l’homme qui écrit « plus vite que son ombre » avec ce témoignage sur ses trois semaines d’incarcération.

Comme toujours, l’ancien locataire de l’Elysée divise : ses détracteurs voient en cette démarche un acte indécent, jugeant que l’auteur-express devrait plutôt se faire oublier dans l’attente de son prochain procès en appel, tandis que ses partisans ou sympathisants qui restent étonnement assez nombreux, y voient a contrario une démarche salutaire et un témoignage poignant sur la rudesse de la vie carcérale.

D’autres observateurs y voient surtout une implacable « opération marketing » et l’amorce d’un calcul politique, éventuellement d’une reconquête de l’opinion publique en jouant la carte de la « victimisation ».

Cette « confession intime » de Nicolas Sarkozy a déjà « fuité » dans la presse. On y découvre le passage suivant : « En prison, il n’y a rien à voir et rien a faire.. Le bruit est hélas constant. Mais à l’image du désert, la vie intérieure se fortifie en prison » (sic).

A défaut d’apprendre à se faire cuire un œuf comme pourrait ironiser les mauvaises langues, l’ancien chef de l’Etat a donc été boosté pour coucher sur le papier le ressenti sur son passage carcéral et surtout le « coup de massue » subi après des années de combat judiciaire qui l’ont finalement mené à la case prison.

« Ce journal d’un prisonnier » peut faire sourire lorsque l’on repense à la longue détention d’un Nelson Mandela (27 ans) qui lui est passé des geôles du sinistre régime de l’Apartheid au palais présidentiel ou même d’un Alain Carignon,  ancien ministre et maire de Grenoble qui a purgé 29 mois de détention pour corruption et qui publia son ouvrage : « Un cri dans la nuit » pour relater ce beaucoup plus long passage carcéral tout comme Pierre Botton, le « gendre » de Michel Noir qui passa deux ans au sein du même établissement pour détournement de fonds publics et qui a décidé depuis de se lancer dans le combat de l’humanisation des prisons….

En définitive, le “Journal d’un prisonnier” de Nicolas Sarkozy est un pari risqué — et révélateur. Il met en lumière le pouvoir de la plume comme arme politique, même (et surtout) quand le passé est lourd et les accusations fortes, a contrario de son « grand frère » politique, Patrick Balkany qui lui se contente d’envoyer des lettres à ses « Chers Levalloisiens » qu’il espère bien reconquérir…

Certains verront dans ce livre un acte de courage, d’autres encore et toujours une manœuvre médiatique d’un animal politique qui ne renonce jamais.

Dans tous les cas, Sarkozy ne se contente pas de purger une peine : il réécrit une partie de son histoire — et peut-être prépare déjà la suite si jamais son appel est rejeté et qu’il regagne la Case prison….

Philippe Dupont