Le Diable de la République
Editorial du 12 janvier
EDITORIAL
Ce mardi 7 janvier, alors que la France célébrait les 10 ans de la Tragédie de Charlie Hebdo, l'évènement s'est fait un peu volée la « Une » de l'actualité par l'apparition à travers tout le pays de "scènes de joie" qui contrastaient avec la gravité du moment : Que fêtaient donc ces manifestants hilares, la bouteille de Champagne à la main et pratiquant l’accolade à outrance : la « chute » d’un nouveau « tyran » à l’instar d’un Bachar Al Assad, récemment « renversé » ?
Vous n’y êtes pas du tout, ces fêtards, dont beaucoup avaient répondu à l’appel du Nouveau Parti Anticapitaliste, « fêtaient » tout simplement la disparition de Jean-Marie Le Pen, le provocateur emblématique de la scène politique française, l’ancien leader du Front National et l’homme aux multiples condamnations qui en avait fait un personnage « sulfureux » par essence…
« L’année 2025 commence bien avec la mort de Le Pen » a claironné Philippe Poutou, le militant Trotskiste qui ne fait pas toujours dans la dentelle car peut-on se réjouir de la mort de quelqu’un et le clamer fusse-t ’il un « ennemi politique » ?Beaucoup à droite ont trouvé indécents ces rassemblements ainsi que certains à gauche et on ne peut que leur donner raison même si on n'appréciait pas du tout l’ex- « leader » de l’Extrême-Droite française…
Disparu à 96 ans, ce natif de La Trinité sur Mer (Morbihan), un petit port de pêche situé à côté de Carnac (dont il a probablement tiré son sobriquet de « Menhir ») aura toujours été une figure controversée (gros euphémisme) de la vie Politique Française durant près de 70 ans !
C’est en effet en 1955 que sa route croise celle de Pierre Poujade, un libraire-papetier du Lot qui a lancé un mouvement, l’UDCA (Union de Défense des Commerçants et Artisans) qui s’adressait à tous ceux qui se sentaient délaissés par les partis traditionnels et qui dénonce au passage les grands monopoles et les institutions, précurseur des mouvements populistes « antisystème ». De quoi séduire le jeune Jean Le Pen qui est élu Député de Paris, en outre le plus jeune de l’Assemblée à moins de 28 ans en janvier 1956 !
Malheureusement pour lui, ce démarrage en trombe dans l’arène politique va vite s’essouffler car son mentor ne sera qu’une « étoile filante » de la politique, probablement victime d’un manque de vision stratégique comme ce sera également le cas de l’Avocat Tixier-Vignancour qu’il soutient lors de la Présidentielle de 1965, ténor du Barreau mais bien piètre politique.
C’est ainsi que va commencer pour lui une longue traversée du désert avec des fins de mois difficiles, ainsi pour survivre il fonde une maison d’Editions musicales (la SERP) qui publie les « Chants de l’Armée Rouge » (un peu) mais surtout ceux du 3ème Reich (beaucoup)…
En 1960, il épouse Pierrette Lalanne, fille de notables landais, avec laquelle il aura trois filles : Marie-Caroline, Yann et…Marine. C’est lors de son mariage, qu’il officialise son prénom « Jean-Marie » afin de s’attirer des sympathies dans les milieux catholiques. Une idée de sa prude et jeune épouse qui n’hésitera pas plus tard à le faire bisquer en posant nue dans un magazine coquin, pour donner suite à leur divorce houleux…
Au cours de cette période de vaches maigres, une petite lueur d’espoir va cependant illuminer son existence : il ne jouera plus les seconds rôles, grâce à l’occasion une occasion qui lui sera donné en 1972 lors de la création du Front National à l’initiative d’Ordre Nouveau, un groupuscule d’Extrême-Droite dirigé notamment par Alain Robert qui lui propose à Jean Marie Le Pen d’en prendre la présidence, accompagné pour la circonstance des quelques compagnons au passé très sulfureux…
En 1974, l’ancien député du Quartier Latin est candidat à la Présidentielle où il apparait affublé de son bandeau à l’œil et des affiches taguées par un « Le Pen Zizi », le score est confidentiel : 0.7 %.
Pourtant, pour celui qui est alors un « marginal » de la vie politique, en guerre contre le « communisme » et contre « l’immigration », un modus opérandi va lui parcourir l’esprit, voire devenir sa « force de frappe » :
« Parlez de moi, en bien ou en mal mais parlez de moi » le « Buzz » avant l’heure, en somme. »
En 1978, son vieil ami et fervent supporter, Hubert Lambert, héritier des cimenteries éponyme lui lègue sa fortune. Son train de vie va s’en trouver bouleversé Il s’installe dans a demeure du défunt à Montretout à Saint-Cloud et ne va pas tarder à en faire le QG du Front National...Le frémissement de l’irrésistible ascension de Jean-Marie Le Pen, c’est bien sûr l’épisode des municipales à Dreux en 1983 où son fidèle second Jean-Pierre Stirbois s’allie avec le RPR local pour prendre la mairie à l’Union de la Gauche....
Ensuite, ce sera François Mitterrand qui lui tendra la perche d’une façon machiavélique pour « emmerder » la Droite qui risque de gagner les législatives en 1986 en introduisant la Proportionnelle. Et c’est réussi, le voici qui reviendra au Palais-Bourbon, 25 ans après l’avoir quitté, accompagné de 35 collègues mais cela ne durera que deux ans, à la suite du retour au scrutin majoritaire en 1988
Néanmoins, le « Bulldozer » Le Pen ne va pu s’arrêter, devenant un « bon client » pour les médias, passant de plus en plus souvent à la Télévision et voyant surtout sa lente mais sure progression sur l’échiquier politique…
A son actif, cinq tentatives à la présidentielle jusqu’au choc de 2002 où il sera qualifié à la surprise générale au second tour face à Jacques Chirac au détriment de Lionel Jospin, c’est d’ailleurs à l’occasion que sera inventé le « Front Républicain » pour l’empêcher d’accéder au pouvoir, on connait la suite : sa propre fille et successeure, Marine subira le même sort jusqu’à nos jours…
La carrière politique de Jean-Marie Le Pen, « en dent de scie » sera jalonnée, comme on le sait, de déclarations racistes, antisémites et négationnistes. Plusieurs fois condamné pour apologie de crimes de guerre, contestations de crimes contre l'humanité, provocation à la haine, à la discrimination et à la violence raciale, injures publiques ou violences, il est aussi relaxé pour d'autres de ses propos.
Créateur d’une « PME familiale », Jean Marie Le Pen considérait son mouvement de « Droite Nationale », avec la culture du « Chef », viril et énergique et qui n’a jamais envisagé un successeur autre qu’ issu du sérail familial, empêchant les « félons » tel Bruno Mégret de lui voler la vedette même s’il lui fit « très mal » lors de la scission de 1998.
C’est sa benjamine Marine qui finit par lui succéder en 2011 (au détriment de son ainée Marie-Caroline qui avait suivi naguère le Félon Mégret lors de son « Puputsch » comme raillait le Menhir). Le Pen a été une figure sempiternellement controversée, souvent qualifié de "diable de la République" en raison de ses opinions radicales, de ses calembours douteux et de ses déclarations provocatrices, persistant sans s’excuser après ses diatribes assassines.
Marine Le Pen, épaulée par Florian Philippot, lancera une vaste opération de « dédiabolisation » du Parti, tentant d’en gommer tous les aspects les plus dérangeants afin de tenter d’en faire un parti comme les autres, en changeant le nom au passage avec l’idée de « Rassemblement » plutôt de que « Front » tout en engrangeant de plus en plus de suffrages de la part d'électeurs décomplexés..
Ce qui ne sera pas toujours du goût de son père qui lui savonnera la planche plusieurs fois, ulcéré de voir son parti ressembler à ceux de la « bande des quatre » qu’il fustigeait naguère…Alors Président d’Honneur, il finira se voir exclu du parti qu’il avait porté sur les fonts baptismaux.
Bien qu'il ait suscité des critiques acerbes comme des soutiens fervents, son héritage demeure complexe, reflétant les tensions socio-politiques qui continuent de secouer le pays. A présent, le Rassemblement National est aux « portes du pouvoir » , grâce à une lente mais réelle « Le Pénisation » des esprits mais également des "territoires plus forcément perdus" de la République .
En disparaissant, le « Diable de la République » a emporté ses secrets avec lui dans la tombe, notamment celui de savoir s’il voulait vraiment prendre le pouvoir comme le souhaite ardemment (mais non sans appréhension) sa fille : nul ne le sait vraiment. Le « Menhir » a été inhumé auprès des siens à la Trinité sur Mer mais finalement ce n'est rien d'autre qu'un "point de détail" dans l'actualité du monde et ce n'est pas cet éternel provocateur qui aurait dit le contraire.

