La Loi du Silence...

BILLET

La crise de l'Église catholique et la chute de la pratique religieuse dans de nombreux pays, notamment en Europe et en Amérique du Nord, s'expliquent par plusieurs facteurs, à la fois historiques, sociologiques et culturels. L’urbanisation et l’individualisme ont indéniablement affaibli les liens communautaires où la religion jouait un rôle central.

Du fait d’une éducation et d’un mode de gouvernance laïque, la transmission religieuse est en nette baisse au niveau familial et on constate une nette diminution des baptêmes depuis les années 60. On a pu constater également que de plus en plus de personnes s'éloignent de la religion et adoptent une approche plus individuelle de la spiritualité, comme en témoigne  l’essor des mouvements évangéliques ou des religions orientales.....

Mais c’est surtout l’athéisme et l’agnosticisme qui progressent, rendant la pratique religieuse très minoritaire. En outre, depuis plusieurs décennies, l'Eglise subit une véritable crise des vocations : de moins en moins de prêtres sont ordonnés et la plupart des autres ordres religieux sont également touchés, ce qui a entrainé inéluctablement la fermeture de nombreuses églises à travers le pays.

La modernité a entraîné une séparation croissante entre la religion et la vie publique. L’essor du rationalisme et des sciences a réduit l’influence des explications religieuses sur le monde car il est clair que les valeurs individualistes et matérialistes dominent aujourd’hui, reléguant la religion au second plan.

N'oublions pas non plus que la perte de confiance des catholiques pratiquants (mais également du reste de l'opinion publique) est étroitement liée à des prises de position du clergé sur certaines questions de société (comme le mariage homosexuel, la contraception, la sexualité ou les droits des femmes) qui ont fini par éloigner une grande partie des fidèles, outrés par la rigidité et le décalage face aux réalités du moment des autorités religieuses...

Cependant, ce sont surtout les récentes affaires de scandales sexuels et de cas de pédo-criminalité constatés au sein de l’Eglise qui ont provoqué une résonnance catastrophique qui se sont ajoutés aux différents autres scandales financiers qui ont fait la Une de l’actualité…. En France, on se souvient de la publication du rapport Sauvé en 2021 qui a révélé que plus de 330 000 victimes auraient subi des abus sexuels de la part de prêtres ou de laïcs travaillant pour l'Église depuis les années 1950.

L’un des aspects les plus choquants de ces affaires est la politique du silence qui a prévalu pendant des décennies. Plutôt que de dénoncer les coupables à la justice, l'Église a souvent choisi de les déplacer d’une paroisse à une autre, permettant ainsi la répétition des abus. Ce mécanisme de protection institutionnelle a contribué à une crise de confiance majeure.

N'oublions que les révélations sur l’Abbé Pierre, fondateur d’Emmaus et défenseur des plus démunis, jouissant jusqu’ alors d’une immense popularité et d’un grand respect auprès de l’opinion publique, du fait d’avoir caché sa consternante « part d’ombre », décrit « comme un secret de polichinelle » dans les plus hautes instances religieuses vont finir par éclipser l’œuvre accomplie pour ne retenir que l’inquiétante image du prédateur sexuel…

Rappelons-nous également de l’affaire Bernard Preynat, ce prêtre de la Région Rhône-Alpes qui a été condamné en 2019 pour avoir agressé sexuellement un nombre importants d’ enfants entre 1972 et 1991, lors de l’organisation de camps Scouts. Un prédateur sexuel dont les agissements étaient connus et qui fut longtemps « couvert » par sa hiérarchie, en l’occurrence l’Archevêché de Lyon, ce qui a amené le Primat des Gaules, le Cardinal Barbarin à être jugé et condamné (avant d’être finalement relaxé) puis finalement à démissionner.

Pour gérer cette crise profonde, il sera provisoirement remplacé par celui que l’on surnomme « le Pompier de l’Eglise » Mgr Michel Dubost, évêque émérite d’Evry-Corbeil-Essonnes, nommé pour la circonstance mandataire apostolique et connu pour ses qualités de médiateur et d’homme de dialogue, effectuant d’ailleurs ultérieurement des missions similaires dans des diocèses en difficulté…

Ainsi, face à la pression médiatique, sociale et judiciaire, le Vatican a fini par réagir. Le pape François a pris des mesures pour lutter contre les abus, comme la levée du secret pontifical sur ces affaires ou la création de commissions d’enquête. Cependant, ces actions sont jugées insuffisantes par de nombreuses victimes et associations, qui réclament des réparations financières et une justice plus ferme.

On peut encore le constater sur la récente affaire du Lycée-Collège de Bétharram (Pyrénées Atlantique), établissement catholique plus que centenaire où la « loi du silence » s’est appliquée sur de trop nombreux méfaits commis (violences physiques, agressions sexuelles et viols présumés) , mettant même dans l’embarras l’actuel Premier Ministre, François Bayrou, dont plusieurs des enfants y ont été scolarisés et qui a feint de ne pas être au courant..

Cette affaire a relancé le débat sur le contrôle des établissements privés sous contrat en France. Des voix s'élèvent pour réclamer une commission d'enquête parlementaire afin d'examiner l'efficacité des contrôles exercés sur ces institutions, à l’instar du prestigieux Collège Stanislas  à Paris et de tant d’autres.

Ces scandales ont ainsi eu un impact profond sur cette crise de l'Eglise : diminution du nombre de prêtres, perte de fidèles, défiance généralisée… Une Eglise qui est aujourd’hui confrontée à un défi de transparence et de réforme. Certains appellent à une modernisation radicale, avec notamment la fin du célibat des prêtres (mais qui n’empêchera pas toutefois d’éradiquer la pédophilie ou la prédation sexuelle qui touche également les hommes mariés, ndlr) ou une plus grande place des femmes dans la gouvernance ecclésiastique.

Le chemin vers la rédemption et la justice est encore long, mais ces affaires ont mis en lumière la nécessité pour l'Église de faire face à son passé et de reconstruire une relation de confiance avec ses fidèles. Une nouvelle croisade salvatrice à mener en quelque sorte....