L' annonce faite à Marine.

EDITORIAL

Philippe DUPONT

L’explosion s’est produite dans la nuit du 1er au 2 novembre 1976, vers 4 heures du matin, Villa Poirier à Paris (15ème), siège du domicile de Jean Marie Le Pen, leader du Front National qui occupe alors avec sa famille le 4ème et au 5ème étage de cet immeuble, au cœur d’un quartier cossu. L’un des appartements est réservé aux parents Jean Marie et Pierrette qui mènent une existence quelque peu bohème tandis que l’autre est occupé par les trois filles du couple : Marie-Caroline, Yann et Marine.

Le choc est terrible: D’après les enquêteurs dépêchés sur place, une charge de cinq kilos de dynamite a provoqué des dégâts considérables jusque dans le voisinage mais heureusement il n’y a eu aucune victime à déplorer. Les médias n’hésitent pas à surnommer les occupants de la Villa Poirier de « Miraculés de la Toussaint » et mettent bien en avant que c'était bien Jean Marie Le Pen qui était ciblé avec comme dessein de le tuer, c’est également ce que confirme le principal intéressé qui a déjà été victime de deux précédents autres attentats.

L’ancien candidat à l’élection présidentielle de 1974, où il n’avait recueilli que 0.75 % des suffrages, q rappelle qu’il paie probablement ses propos tenus lors du congrès de Bagnolet du Front National, où il dénonçait la montée de l’insécurité dans le pays, liée selon lui à une politique intérieure trop laxiste et trop complaisante pour les ennemis de la Nation.

Un comité antifasciste revendiquera cet attentat mais on ne retrouvera jamais les auteurs. Tous les habitants de la Villa Poirier seront relogés, à commencer par la Famille le Pen, d’abord chez leur ami Jean-Marie Le Chevallier, futur maire RN de Toulon puis prendront domicile dans une villa de Montretout à Saint Cloud, légué par un ami proche, l’héritier des ciments Lambert…

A 8 ans, la benjamine du Couple Le Pen, la petite Marine, la « chouchou » de son papa, rescapée de l’attentat avec ses sœurs, confiera que l’évènement lui a fait prendre conscience que « son père faisait de la politique » …avec les risques que cela comporte. « Un père qui fait de la politique » mais pas de la politique comme les autres. A l’époque des faits, si l’homme est finalement encore peu connu du grand public, il jouit déjà d’une solide réputation sulfureuse dans la classe politique avec déjà des ennemis qui ne lui veulent pas vraiment du bien…

A la tête d’un parti qui réalise alors des scores électoraux confidentiels lors des élections intermédiaires mais qui lui prend une grande partie de son temps, faisant de lui un père peu présent, il décide de placer ses trois filles dans l’enseignement public afin de les « endurcir ».La petite Marine avouera par la suite avoir subi beaucoup de brimades, de moqueries et des réprimandes aussi bien au niveau de ses camarades de classe que de ses professeurs.

Elle confiera également ne pas avoir voulu reprendre le « flambeau » familial et se lancer dans une carrière d’avocate préférant laisser la place à sa grande sœur Marie-Caroline, plus politique qu'elle mais on connait la suite: la trahison de son ainée partie rejoindre le camp Mégrétiste a poussé la benjamine à changer d'avis et s'engager dans l'arène politique...

Près d’un demi-siècle s’est écoulé depuis cette nuit qui aurait pu être tragique et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts : Marine, bientôt 57 ans a réussi à se faire « un prénom » et dirige à présent l’entreprise familiale dont elle a d’ailleurs changé le nom. La Dame de Montretout a tenté de « modifier sensiblement l’état d’esprit » d’un parti jugé "pas comme les autres", le rendre plus fréquentable, aidé pour cela par son conseiller Florian Philippot,  ayant même eu l’audace de virer Papa, à qui elle devait pourtant son irrésistible ascension mais qui a force de calembours douteux et d’une provocation à la minute, sans oublier qu’il avait une propension à lui savonner gentiment la planche en bon patriarche orgueilleux qu’il était…

Elle a réussi à en faire le premier Parti de France, avec le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale, en tête dans tous les sondages, plutôt à l’aise financièrement et la voilà, lentement mais surement qui se retrouve aux portes du pouvoir qu’elle convoite tant depuis des lustres…Mais on sait que le Front Républicain que l’on dit de plus en plus friable résiste tout de même et celle qui disait après sa défaite en 2022 face à Emmanuel Macron, qu’elle ne briguerait pas une 4ème candidature à l’Elysée a visiblement changé d’avis entre temps.

Bien qu’elle ait mis en « gérance » le parti en plaçant son dauphin, Jordan Bardella, le jeune homme pas encore trentenaire mais qui a connu une irrésistible ascension en un temps record et qui pourrait constituer une menace pour la conquête de l’Elysée car il est évident que la Dame de Montretout ne s’est pas complètement écartée du chemin de Papa, gardant un esprit clanique, tendance familiale.

En effet, jusqu’à présent, le nom « Le Pen » restait la marque de fabrique indispensable pour espérer conquérir la magistrature suprême et ce malgré, huit échecs du père et de la fille pour y parvenir. A présent, plus rien ne semble évident car on se souvient d’une Marine le Pen inquisitrice et « mère la vertu » face aux combines de « L’UMPS » qui ont ruiné la France depuis quarante ans et qui aimait se servir dans la « caisse » a contrario d’un Front National, droit dans ses bottes.

Mais voilà qu’un tsunami pourtant prévisible puisque fruit d’une très longue et minutieuse instruction judiciaire de près de dix années a mis en lumière la part d’ombre du parti Frontiste débouchant sur un verdict sévère concernant sa Présidente et une vingtaine de ses collaborateurs, dont notamment son ex-compagnon Louis Aliot mais également son ex- adversaire à la présidence du Parti, Bruno Gollnisch. Des faits commis à une époque où le parti Frontiste avait du mal à "joindre les deux bouts" et tentait de trouver des astuces pour "râcler les fonds de tiroir" faute d'élus et d'aide bancaire", se servant au passage des fonds d'une Europe qu'il combattait âprement...

Marine Le Pen a été condamnée pour malversation de fonds publics dans l'affaire des assistants parlementaires européens du parti, Le tribunal a prononcé à son encontre une peine de quatre ans de prison, dont deux ferme avec bracelet électronique, une amende de 100 000 euros et une inéligibilité de cinq ans, rendant sa candidature aux élections présidentielles de 2027 hautement improbable.

« Faites ce que je dis, pas ce que je fais », je n’ai rien fait, et de toute façon, on ne peut priver d’élection une candidate amenée à diriger la France et en tête dans les sondages ».  A l'étranger, ses "amis" Donald Trump, Victor Orban ou l'incontournable Vladimir Poutine ont tenu  à la soutenir dans l'épreuve, dénonçant un hold -up démocratique....On ne rit pas...

L’ancienne avocate n’ignorait certainement pas le risque d’une telle condamnation, au vu d’un dossier rempli de preuves accablantes mais elle aura opté la plupart du temps pour une attitude négligente vis-à-vis des magistrats et adopté un système de défense très dilettante, ne reconnaissant au passage aucun des faits reprochés, invoquant a contrario un complot des juges partiaux et politisés qui ont décidé de l’abattre à moins de deux ans de l’élection…

Jouant la carte de la victimisation, Marine le Pen a toutefois réussi à faire accélérer la procédure d’appel et peut espérer encore pouvoir se présenter à l’élection présidentielle même si cela semble très compliqué. Son éviction de la course présidentielle n’empêcherait toutefois pas le RN de rester dans la course et de pouvoir l’emporter… Certains sondages internes et externes au Parti semblent indiquer que le dévoué Jordan Bardella avait à présent la faveur de beaucoup plus de militants, surtout de ceux de la nouvelle génération qui aimeraient bien tourner la page Le Pen, au risque de provoquer un nouveau schisme au sein du parti, comme ce fut le cas à la fin des années 90.

Cependant, il en faudra plus pour abattre la « battante » Marine Le Pen, souvent habile et prudente, sans avoir le bras qui tremble, comme ce fut le cas face à un Eric Zemmour qui voulait n’en faire qu’une bouchée en 2022 car on le sait, en politique, rien n’est plus féroce qu’un animal affaibli par l’épreuve et qui se verrait attaqué par ses proches pour la conquête du festin royal dont il rêve du plus profond de son subconscient…