Jean Luc Mélenchon ou une genèse politique à Massy

1978-2010

PORTRAITESSONNE

                                                                                                                   UN VIEUX BRISCARD

A 74 ans, Jean-Luc Mélenchon n’a aucunement intention de se retirer de la vie publique, bien qu’il soit lui-même favorable à la retraite à 60 ans mais… pour les autres. Né la même année que Michel Barnier, François Bayrou en encore Jean-Louis Borlo, étant issu de cette génération qui fit ses premières armes dans le mitant des années 70, l’actuel leader de LFI se plait à demeurer le « poil à gratter » de la vie politique française, une sorte d’animal politique, promoteur d’une Gauche devenue radicale et qui n’a toujours pas renoncer à devenir un jour le locataire de l’Elysée malgré trois précédentes tentatives et en attendant une quatrième en 2027.….

                                                                                                            DE TANGER A LONS LE SAUNIER

Il est clair que le natif de Tanger (Maroc), débarqué en France avec sa mère en 1962 a toujours eu la fibre politique. En mai 1968, alors qu’il est lycéen à Lons-le-Saunier, chef-lieu du Jura et ville natale de Rouget de Lisle, il fait partie des meneurs de la révolte de mai 68 dans cette ville plutôt paisible de la France profonde, préférant probablement entonner « L’internationale » que la « Marseillaise » écrit par le glorieux enfant du pays.

                                                                                                       EVEIL D’UNE CONSCIENCE POLITIQUE

Etudiant à l’Université de Besançon pour suivre des études supérieures, optant pour un cursus en philosophie. Cette formation a profondément influencé son style : ses discours actuels, pleins de références historiques et philosophiques, son goût pour la rhétorique et la confrontation d’idées, viennent directement de cette période. Ces années 1960-70 en France sont encore marquées par l’esprit de Mai 68 et par un activisme étudiant fort. À Besançon, Mélenchon est confronté aux débats idéologiques de l’époque : marxisme, maoïsme, socialisme et luttes sociales. Cette période lui permet de se forger une conscience politique critique et de réfléchir aux structures économiques et sociales.

Pendant ses études, il  commence à s’engager activement : Il participe à des associations étudiantes et à des mouvements politiques de gauche. Il s’intéresse aux syndicats et aux mobilisations contre les inégalités. C’est à cette époque qu’il se familiarise avec le militantisme qui guidera sa carrière future.

Le voilà qui devient membre de l’OCI, ce groupuscule Trotskyste dirigé par Pierre Lambert, notamment autour de sa période étudiante et juste après. Une parenthèse qui va influencer sa vision de la politique et sa radicalité initiale, mais comprenant que ce parcours marginal va tourner court, il rejoint le PS dès 1976, qui représentait alors la principale force de gauche en France, s’inscrivant dans la mouvance Mitterrandienne…

                                                                                                               LES VACHES MAIGRES

Celui que l’on prend fréquemment pour un « professionnel de la politique » comprenez qui n’a jamais fait autre chose se trompent. Il a exercé plusieurs métiers, dont celui de professeur dans un collège technique de Lons le Saunier (il est titulaire d’un CAPES), a tâté un peu de journalisme et fait plusieurs « boulots », car étant devenu père à 22 ans et disposant de faibles ressources avec sa compagne de l’époque, il a dû se résoudre à faire des jobs alimentaires pendant un période assez courte toutefois.

                                                                                             LA VIE DE FAMILLE

Concernant sa vie privée, Jean Luc Mélenchon aime rester très discret. Toutefois, on sait qu’il s’est marié en 1972 avec Bernadette Abriel, originaire comme lui de Lons le Saunier et qu’il a rencontrée sur le campus de Besançon en 1969 où elle étudiait également la philosophie.Le couple aura une fille, Maryline, née en 1974 et qui a elle-même épousé Gabriel Amard, actuel député LFI du Rhône depuis 2022 mais ce natif de Juvisy sur Orge, a d’abord fait carrière dans son département d’origine : maire adjoint de Longjumeau (1989), puis Maire de Viry-Châtillon entre 1995 et 2006, Président d’agglo, Conseiller général du canton de Viry et conseiller général Ile de France.

Bernadette Abriel fera une grande partie de sa carrière de Bibliothécaire à…Massy et a divorcé du futur leader de LFI en 1994…

                                                                                                                           LE MENTOR

Tout va rapidement changer en 1977, lorsqu’il rencontre Claude Germon, maire PS de Massy qui est venu faire un déplacement politique dans le Jura. Séduit par la fougue et l’envie politique du jeune homme. Il lui propose de venir le rejoindre dans son équipe…

1978, le Jurassien d’adoption débarque à Massy pour devenir Chef de cabinet de Claude Germon. Ce dernier est né en 1934 dans la banlieue de Rouen et exerce la profession d’inspecteur des impôts. Ancien syndicaliste CGT, il est devenu Maire de cette commune en 1974, succédant à Michel Aubert, à la tête de la commune depuis 1959, à l’origine Centriste rallié à la FGDS de François Mitterrand en 1965.

                                                                                                 MASSY OU LA THEORIE DU GRAND ENSEMBLE

Depuis la fin des années 50, Massy a connu un essor démographique considérable lié notamment à la construction du vaste « Grand Ensemble de Massy-Antony ». Situé à 17 km au sud de Paris, au nord-ouest de l’Essonne mais limitrophe des Hauts-de-Seine, cet ancien bourg rural en 1945 est passé en deux générations de 6 000 à 40 000 habitants.

Rappelons qu’au début des années 1960, la France connaît un important mouvement de retour de populations venues d’Afrique du Nord, principalement d’Algérie, à la suite de la guerre d’indépendance et des accords d’Évian signés en 1962.

Ces rapatriés, souvent appelés « pieds-noirs », étaient des Français installés depuis plusieurs générations dans les colonies d’Afrique du Nord.

Massy va en accueillir un grand nombre mais également une population composée d’ouvriers et de fonctionnaires, qui y trouvent des logements neufs, des emplois dans cette région parisienne en pleine ébullition.

Une population composée de jeunes ménages qui représente alors un électorat favorable aux forces de gauche. Le conseiller général du canton de Massy est alors le communiste Charles Guyonneau et le député de la 3ème circonscription de l’Essonne depuis 1967 n’est autre que la figure montante de la Place du Colonel Fabien : Pierre Juquin.

Cependant, les rapports de gauche vont rapidement s’inverser au profit du PS : en 1981, Claude Germon est élu Député de la circonscription, profitant de la « Vague Rose » qui voit d’ailleurs les 4 circonscriptions du département élire des candidats socialistes (Michel Berson, Jacques Guyard, Yves Tavernier et donc Claude Germon)…

                                                                                                            PROFESSION : HOMME POLITIQUE

Jean-Luc Mélenchon profite de l’ascension de son mentor pour marquer le début de sa carrière politique institutionnelle en Essonne : il gravira progressivement les échelons locaux et nationaux avant de devenir maire-adjoint, conseiller général, sénateur.

Cela commence par son élection comme Maire-Adjoint de 1983, c’est là qu’il fera le plus de terrain au cœur des quartiers populaires de la ville, y rencontrant ses habitants et la diversité, le point de départ de ratissage du terrain qui fera son succès ultérieur avec la France Insoumise. Il est également directeur de la radio associative « Radio Massy-Palaiseau » dont l’un des animateurs n’est autre que le jeune Jacques Essebag, le futur « Arthur » qui habite Massy depuis son enfance mais qui est originaire du Maroc comme son patron de l’époque.

Elu conseiller général de Massy-Ouest en 1985 et surtout comme Sénateur en 1986. A 35 ans, il est le plus jeune élu du Palais du Luxembourg, suivi de près par le maire de Rambouillet, Gérard Larcher (37 ans) au cœur d’une assemblée qui compte d’habitude de nombreux sexagénaires voire septuagénaires !

                                                                                          MONSIEUR LE SENATEUR

C’est sous les salons lambrissés du Palais du Luxembourg entre 1986 et 2010 qu’il côtoiera d’autres élus Essonniens de gauche, comme Paul Loridant, premier maire des Ulis, Robert Vizet, ancien député et Maire PC de Palaiseau mais également ses adversaires à Droite : Michel Pelchat (qui avait commencé au PS, ndlr), Xavier Dugoin ou bien sûr Serge Dassault, maire de Corbeil-Essonnes, avec lequel il entretient des relations d’estime, certains l’accusant d’avoir facilité l’élection du milliardaire au Sénat…

Lors de sa nomination au gouvernement Jospin en 2000, Jean-Luc Mélenchon cédera son siège à Claire-Lise Campion, conseillère général du canton d’Etréchy puis en 2010, alors qu’il est élu député européen, c’est Marie-Agnès Labarre qui le remplacera.

                                                                                    MARIE NOELLE ET LES AUTRES

Au sein du conseil municipal et du conseil général, Jean Luc Mélenchon côtoie Marie-Noelle Lienemann. Cette dernière, née comme lui en 1951, diplômée de l’ENSET de Cachan est entrée au Conseil municipal dès 1977 et succède à Charles Guyonneau au conseil général de l’Essonne en 1979, à seulement 28 ans !

Un long compagnonnage va débuter entre les deux jeunes élus massicois de l’époque. D’abord Rocardienne, Marie-Noelle Lienemann va s’orienter vers des courants du PS (dont elle est membre depuis 1971) de plus en plus à Gauche et finira par quitter le PS. a l’instar son collègue Mélenchon, finissant même par le retrouver, lors de la création de LFI.

En outre, leur parcours politique initial va les propulser ailleurs qu’à Massy : Marie-Noelle Lienemann sera plus tard Maire d’Athis-Mons, puis Elue d’Hénin-Beaumont avant de terminer sa carrière politique comme Sénatrice de Paris !. Sans oublier son élection comme députée de la 7ème circonscription de l’Essonne en 1988, mais où il trébuche face au « Taureau de Savigny », le RPR Jean Marsaudon en1993 et 1997. Elle sera la première femme ministre originaire de l’Essonne en 1992 dans le gouvernement Bérégovoy puis sous celui de Lionel Jospin en 1997.

Jean-Luc Mélenchon deviendra également ministre en 2000-2002, seul maroquin qu’il obtiendra durant sa longue carrière politique.

Cependant, il n’a jamais cherché à devenir maire de Massy, arguant du fait que son mentor politique, Claude Germon qu’il définit comme un « visionnaire » et un « grand bâtisseur » était plus qualifié que lui pour présider le conseil municipal, ni de prendre la tête du Conseil général de l’Essonne en 1998, jugeant plus légitime l’élection de Michel Berson à la tête de l’exécutif départemental après la cuisante défaite de la majorité sortante de Droite à près ans de règne…

En 1992, il connait un revers électoral, certes battu de justesse à cause du maintien au second tour d’un candidat écologiste face au candidat UDF Vincent Delahaye (futur maire de Massy) dans son canton de Massy-Ouest.

Une défaite qu’il a soigneusement effacé sur son CV, aime à ironiser Vincent Delahaye qui a affronté plusieurs fois ce rude adversaire qui prendra d’ailleurs sa revanche en 1998.

En 1998 justement, le conseil Général de l’Essonne rebascule à Gauche, infligeant d’ailleurs une sévère défaite à la majorité de droite sortante qui dirigeait le département depuis 1982. En effet, la Gauche remporte 18 des 21 cantons sortants, les deux cantons de Massy rebasculent à Gauche (Mélenchon et Marie-Pierre Oprandi).

Mélenchon est élu Vice-Président de l’Assemblée départementale à présent dirigé par Michel Berson (Canton d’Evry-Nord)

Et puis, il va y avoir la relève, notamment Jérôme Guedj, enfant de Massy, qui va être l’assistant parlementaire de Mélenchon. Elève à Sciences Po, alors qu’il prépare l’ENA, il vient bûcher dans le bureau de son patron au Sénat, en compagnie d’un copain, un certain Edouard Philippe….

                                                                                                                      MASSY FOREVER

Aujourd’hui, Mélenchon s’est éloigné de Massy, troisième ville de l’Essonne mais premier Pôle économique de ce département, aux portes du Plateau de Saclay en plein essor. Depuis la victoire de Vincent Delahaye en 1995, la ville est ancrée au Centre-Droit : Nicolas Samsoen, ancien de l’UDF préside aux destinées de la ville, tout en s’étant emparé du nouveau canton de Massy en 2021.

Néanmoins, la circonscription électorale a été reprise par Jérôme Guedj en 2022, celui-ci n’étant plus vraiment copain avec Mélenchon, refusant au passage d’adhérer au Nouveau Front Populaire mais nul doute que l’ombre de Jean Luc Mélenchon plane encore dans les environs…