Ils ont failli renverser la République !

6 février 1934, Paris.

HISTOIRE POLITIQUE

Depuis la fin des années 1920, la France sous la IIIe République était fragilisée par la crise économique, la montée du fascisme en Europe et des scandales politico-financiers dont l'affaire Stavisky. Cette dernière avait éclaté en janvier 1934, tirant son nom d'Alexandre Stavisky, un homme d'affaires d'origine ukrainienne, impliqué dans une vaste escroquerie basée sur l’émission de faux bons municipaux.

De nombreuses personnalités influentes, notamment des hommes politiques ont été compromises par ce scandale aggravé par le décès suspect de Stavisky : Le 8 janvier 1934, il est retrouvé mort dans un chalet à Chamonix, officiellement suicidé d’une balle dans la tête.

Cependant, la thèse du suicide est contestée, et beaucoup y voient une tentative d’étouffer l’affaire. Le scandale entraîne une énorme crise politique en France. L’opinion publique est révoltée par la corruption qui semble toucher les plus hautes sphères du pouvoir. La presse d’extrême droite s’en empare pour dénoncer la "République des pourris".

Le Gouvernement Chautemps révoque également le préfet de police de Paris, Jean Chiappe, nommé depuis 1927 et qui était apprécié des milieux conservateurs d’une part, pour sa fermeté face aux mouvements ouvriers et d’autre part était accusé d’indulgence envers les ligues d’extrême droite et d’hostilité envers les mouvements de gauche.

Sa destitution est l’un des éléments déclencheurs des émeutes du 6 février, car l’extrême droite y voit une preuve supplémentaire de la corruption et de la faiblesse du gouvernement républicain.

Effectivement, le mardi 6 février, la République française a été confrontée à une crise majeure lors des émeutes devant la Chambre des députés, organisées par plusieurs ligues d'extrême droite (Action Française, Jeunesses Patriotes, Solidarité Française ainsi que les Croix-de-Feu du colonel François de La Rocque...

La manifestation dégénère en une tentative d'assaut contre le Palais-Bourbon (autre nom de l’Assemblée nationale). La police tire sur les manifestants faisant17 morts et plusieurs centaines de blessés. A noter que Les Croix-de-Feu, contrairement aux autres ligues, n’ont pas participé activement aux violences. François de La Rocque a refusé de basculer dans l'insurrection et a rappelé ses troupes avant l’affrontement final qui finalement échouera.

Ces incidents dramatiques vont provoquer dès le lendemain la chute du Gouvernement Daladier (qui n’a duré que 8 jours !) et inciter le Président de la République, Albert Lebrun (élu depuis 1932) à nommer à la tête de la Présidence du Conseil, un de ses prédécesseurs à l’Elysée : Gaston Doumergue.

Ce dernier, jusqu’alors retraité est chargé de renforcer le « pouvoir exécutif ». et de former un gouvernement d'union nationale, qui se fait entre le Parti radical et la Droite et qui durera jusqu’en novembre de la même année comptant parmi ses membres : Edouard Herriot, Albert Sarraut, Louis Barthou, André Tardieu mais également le Maréchal Pétain et Pierre Laval !..

Ce gouvernement d’Unité nationale, composé de personnalités politiques venues d’horizons différentes et peu enclin à travailler ensemble va vite tourner court malgré une efficace politique en matière économique.

Il sera malheureusement affecté par l’assassinat de Louis Barthou, ministre des affaires étrangères et artisan d’un pacte contre la montée de ce qu’il appelait (à juste titre) le péril Nazi, commis par un fanatique Bulgare lors de la visite du Roi de Yougoslavie à Marseille.

Ce qui incite Gaston Doumergue a démissionner, il sera remplacé par un gouvernement dirigé par Pierre-Etienne Flandin  auxquels succèderont plus d’une dizaine d’autres gouvernements souvent de courte durée jusqu’au second conflit mondial.

On verra ainsi plusieurs chefs de gouvernement revenir par alternance (Chautemps, Daladier Laval, Tardieu) qui devront faire face à d’autres menaces venues de l’Extrème-droite, dont l’occulte et très influente Cagoule, dirigée par Eugène Deloncle et dont le dessein sera de « renverser » la République mais dont le complot sera également déjoué…

Toutefois, la gravité des évenements permettra une prise de conscience de la gauche républicaine, qui mènera à la formation du Front populaire en 1936 mais qui sera également de courte durée tout en y imprimant sa marque de fabrique, en matière d’acquis sociaux…

En définitive, la journée du 6 février 1934 aura constitué le prologue d’un feuilleton politique tragique s'étalant jusqu'en 1939 et dont certains de ses acteurs auront connu des fortunes diverses : le Colonel de la Rocque, dont le renoncement à renverser la République aura même été salué par Léon Blum, ce qui n’empêchera pas ce dernier de dissoudre les Croix de Feu jugé "Fascisant " dès son accession au pouvoir en juin 1936.

L’ancien dirigeant monarchiste et nationaliste fondera toutefois dans la foulée, le très puissant Parti Social Français (en compagnie de … Jean Mermoz, dont la disparition tragique en fera paradoxalement une icône du Front Populaire tandis que l’ex-préfet révoqué Jean Chiappe, nommé en Indochine, disparaitra également dans un accident d’avion en 1940…