Il y a 80 ans, vous les femmes....
Le long combat pour la reconnaissance du droit de vote des femmes en France.
EDITORIAL
Philippe DUPONT.


Les dimanche 29 avril et 13 mai 1945 sont inscrites comme des dates importantes dans l’immédiat après-guerre avec l’organisation des premières élections municipales depuis 1935 mais cette fois-ci avec une particularité notable : les dames ont pu enfin participer au scrutin !En effet, le droit de vote accordé aux femmes a constitué une étape majeure dans l’histoire de la démocratie française. Ce n’est qu’à la faveur de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de refondation de la République, que la question est de facto tranchée.
Le général Charles de Gaulle, chef de la France libre, porte une vision nouvelle du rôle des femmes, en partie influencée par leur participation active à la Résistance. Dans son esprit, reconstruire une France démocratique et moderne passe par la reconnaissance de la pleine citoyenneté des femmes.L e 21 avril 1944, le Comité français de la Libération nationale (CFLN), siégeant à Alger adopte une ordonnance historique qui stipule :
« Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. »
Ce texte, sobre mais révolutionnaire, ne fait l’objet d’aucun débat parlementaire puisqu'il est décidé dans le cadre d’un gouvernement provisoire. Il consacre enfin l’égalité politique entre hommes et femmes. De Gaulle ne cherchait pas à flatter un électorat, mais à instituer une démocratie plus légitime et représentative dans l’après-guerre.
Toutefois, cette avancée considérable ne doit pas faire oublier le retard notable de la France par rapport à de nombreux autres pays dans le monde : dès 1893, la Nouvelle-Zélande donne le droit de vote aux femmes et la plupart des pays anglo-saxons suivront avant le premier conflit mondial à l’instar du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, l’Allemagne et la Pologne en firent de même….
Cette lenteur française peut étonner mais révèle toutefois les résistances idéologiques, sociales et politiques qui ont freiné l’égalité civique entre les sexes. Le choix de n’accorder le droit de vote exclusivement aux hommes avait été voté au moment de la IIème République malgré des revendications féminines qui remontaient à la Révolution Française, à une époque où la pionnière Olympe de Gouges publia « la Déclaration de la femme et de la citoyenne », impliquant la participation des femmes dans la vie politique mais tout cela ne restera alors qu’à l’état de projet…
Cependant, le début du XXème siècle verra l’émergence d’un véritable mouvement féministe, incarné notamment par Hubertine Auclert ou Louise Weiss. Ces dernières vont militer activement pour le droit de vote des femmes… Malheureusement, encore une fois, les gouvernements qui se succèdent sous la IIIème République rejettent à maintes reprises les projets de loi accordant ce droit fondamental. Notons toutefois qu’une proposition avait été adoptée par la Chambre en 1919 mais qui échoua finalement suite au veto du Sénat, conservateur et attaché à l’ordre traditionnel qui craignait l’influence supposée des femmes catholiques sur la vie politique.
Lors de ces premières municipales de 1945, notons que les femmes représenteront 53 % du corps électoral (voir plus, au vu de l’absence de participation d’électeurs masculins, encore prisonniers de guerre) et plusieurs d’entre elles seront élues maires de leur commune.
Lors des élections législatives qui suivront, sur les 586 sièges à pourvoir, 33 femmes seront élues dont la moitié sous les couleurs du Parti Communiste alors très influent. Un constat encourageant qui constituera une conquête juridique majeure mais il faudra attendre 1947 pour voir une femme, Germaine Poinso-Chapuis devenir ministre et l’accès réel aux responsabilités politiques va rester très lent (on verra encore des gouvernements exclusivement masculins au début de la Vème République) et notons que les lois concernant la parité sont d’origine très récente.
Malgré une représentation encore largement masculine, on peut apprécier le fait d’avoir eu deux femmes chef de gouvernement, plusieurs d’entre elles diriger de grandes métropoles, l’assemblée nationale, se hisser à la tête des partis ou des syndicats et de résister non sans brio face à la persistance de préjugés sexistes et misogynes distillés par certains collègues de l'autre sexe…
80 ans après, on peut toutefois constater que cette conquête tardive fut symboliquement forte et répara une longue injustice démocratique. Les résistances conservatrices et paternalistes que l’on trouvait alors plutôt dans les régimes autoritaires contrastaient avec l’image universaliste que la France aimait à donner d’elle-même. Au sein de l’Assemblée constituante provisoire d’ Alger durant ce printemps 1944, l’action décisive du Général de Gaulle (mais également d’un Député Communiste Fernand Grenier) auront permis de débloquer une situation figée pendant des décennies…