Histoire d'un jour: le 10 mai 1981
Un jour historique pour la Gauche Française sous la Vème République.
HISTOIRE POLITIQUE


Il y a très exactement quarante-quatre ans, le dimanche 10 mai 1981 représenta pour le « peuple de gauche » celui du « Grand soir ou jamais ». En effet, ce deuxième tour de l’élection présidentielle qui opposait le président sortant « libéral » Valéry Giscard d’Estaing à son challenger « socialiste » François Mitterrand (dont c’était la troisième tentative après les échecs de 1965 et 1974) était bien celui qui devait permettre à la « Gauche » de sortir d’une cure d’opposition vieille de 23 ans……
Cela devrait être en outre l’aboutissement d’un travail titanesque commencé dix ans plus tôt à Epinay-Sur-Seine par un François Mitterrand qui s’était alors emparé d’un parti socialiste balbutiant, héritier d’une SFIO agonisante pour en faire ensuite la « principale composante » des « forces de gauche ».Il avait détrôné au passage un Parti Communiste alors dominateur tout en pactisant avec lui ainsi qu’avec les Radicaux-Socialistes pour constituer une « Union de la gauche » prompt à faire vaciller l’insolente coalition Centro-Libéralo-Gaulliste qui pensait avoir signé un « bail à vie » avec le pouvoir suprême...
Quelques semaines précédant ce deuxième tour, le « vent » avait commencé à tourner pour le président sortant Giscard d’Estaing, longtemps promis à une réélection mais qui perdait chaque jour du terrain, miné par une forme d’usure du pouvoir et surtout par le « lâchage » d’une partie de ses alliés de la famille gaulliste menée par son ancien Premier Ministre, Jacques Chirac qui d'ailleurs entra dans la compétition électorale…
Alors que la fébrilité gagnait le camp de la Majorité, celui de l’Opposition était animé par le ressenti d’une victoire de plus en plus probable, malgré un soupçon de crainte « de perdre sur le fil » comme ce fut cas en 1974…Mais la « Force Tranquille » incarnée durant la Campagne par un François Mitterrand, devenu de plus en plus confiant et serein plaidait en sa faveur. Le message subliminal « Demain l’espérance et la force du changement » commençait à enivrer les esprits demandeurs de ce qui n’était jusqu’alors qu’un vœu pieu : la voie de l’alternance politique...
A vingt heures pétantes, chacun retint son souffle où se croisa les doigts, suffocant parfois par ce suspense insoutenable aggravé par l’apparition d’un crâne chauve qui pouvait être aussi bien celui du sieur de Chamalières que de celui de Château-Chinon…… On connait la suite, François Mitterrand fut élu avec 51.7 % des suffrages exprimés et l’annonce de son élection coupa de facto la France en deux : la première qui allait faire la fête durant toute la nuit pour célébrer cet évènement historique et l’autre qui allait faire… la gueule, proprement tétanisée par cette défaite inimaginable et qui prédisait d’emblée une France au « bord du chaos » ….
Sur la Place de la Bastille à Paris comme dans beaucoup d'autres endroits en France, "le Peuple de Gauche" fit exploser sa joie. Jack Lang, futur ministre emblématique de la Culture déclara alors de façon solennelle: "Les Français ont franchi la frontière qui sépare la nuit de la lumière" . Sur la route qui le transportait de Château-Chinon à l’Elysée, François Mitterrand, fraichement élu, n’imaginait certes pas qu’il resterait quatorze longues années au pouvoir, bien plus que son vieil adversaire De Gaulle mais lorsqu’on lui demanda ultérieurement à partir de quel moment il avait eu conscience de revêtir les « habits de président », il répondit « Dès l’instant que je fus élu » ….
On se souvient de la cérémonie d’investiture et du passage au Panthéon Le jeudi 21 mai 1981, jour de son investiture en tant que président de la République, François Mitterrand se rend au Panthéon. Après avoir remonté à pied la rue Soufflot, une rose à la main, il se rend, seul, dans la crypte de l’édifice, accompagné de l’interprétation de l’Hymne à la joie . Il dépose une rose sur les tombeaux de Victor Schœlcher, Jean Jaurès et Jean Moulin, le tout filmé par Serge Moatti,
Le temps a passé et bien sûr beaucoup d’eau à couler sous les ponts, avec la rudesse de l’exercice du pouvoir dont la Gauche, alors porteuse d’espérance fit les frais par la suite, amenant amertume et désillusion dans l’esprit de son électorat, connaissant le « choc » du 21 avril 2002 qui vit Jean Marie Le Pen accéder au second tour de l’élection présidentielle au détriment d’un Lionel Jospin mais parfois aussi quelques rémissions comme en 2012 avec l’élection de François Hollande face à Nicolas Sarkozy avant de subir aujourd’hui l’existence de deux gauches irréconciliables, l’une dite social-démocrate et l’autre radicalisée tandis qu’une troisième a rejoint les rangs du Macronisme mais qui espère toutefois (tout comme la Droite tout aussi divisée et victime elle aussi du big bang de 2017 qui mit à mal les deux pôles antagonistes traditionnels ) refaire un nouveau Congrès d'Epinay, cette fois-ci "2.0". A suivre.