Frissons en Outre-Rhin.
Editorial du 25 février.
EDITORIAL


Les élections fédérales allemandes qui se sont déroulées ce dimanche 23 février ont conduit à une recomposition significative du paysage politique chez nos voisins habitués à un affrontement traditionnel entre la CDU et le SPD qui a volé en éclats…En effet, les électeurs allemands qui s’étaient déplacés en masse : en témoignent le plus de 85 % de participation et qui ont placé la CDU de Friedrich Merz avec 28 % arrivée en tête mais avec un score bien moindre que lors des précédents scrutins.
Cependant, Friedrich Merz a savouré son grand retour sur le devant de la scène politique, lui qui en fut écarté il y a plus de vingt ans par sa rivale Angela Merkel et devrait sauf coup de théâtre réaliser son rêve : devenir le prochain Chancelier…
Néanmoins, la grande surprise de cette élection c’est plutôt la deuxième place obtenue par le le parti d’Extrême-Droite AFD (Alternative fur Deutschland) dirigé par Alice Weidel, avec 21 % des voix, qui a doublé son score depuis le précédent scrutin et provoquant une véritable onde de choc chez nos voisins d’Outre-Rhin.
En troisième position, on découvre le grand perdant qui n’est autre que le SPD du Chancelier sortant Scholz qui avec 16.5 % a enregistré son pire score depuis la réunification des deux Allemagnes en 1989. Les Verts qui jouent souvent les faiseurs de rois dans le jeu des coalitions (bien difficiles à monter chez nous) ont réalisé un honorable score de 11 % et peut ainsi tirer son épingle du jeu comme la Gauche Radicale (Die Linke) qui obtient près de 9 %...
Dans la foulée, Friedrich Merz n’a pas tardé à exprimer son intention de former un gouvernement "aussi vite que possible" face aux défis internationaux, tout en excluant toute alliance avec l'AfD, même si certains observateurs l’ont accusé d’avoir voté récemment quelques lois anti immigration clandestine avec le parti d’Extrême-Droite…
De son côté, Alice Weidel, la cheffe de file de l'AfD, a salué le "résultat historique" de son parti et s'est déclarée au contraire ouverte à des négociations de coalition avec la CDU…..La personnalité de cette avocate de 46 ans ouvertement homosexuelle et vivant en couple avec une femme d’origine sri-lankaise peut étonner au sein d’un parti attaché aux valeurs traditionnelles et familiales et particulièrement raciste.
Si sa percée électorale effraie une partie importante de l’opinion publique , elle peut s’expliquer par la période d’incertitude dans laquelle est plongée l’Allemagne, notamment au niveau économique où elle enregistre une croissance atone…
La hausse des coûts énergétiques, exacerbée par la fin des importations de gaz russe, pèse lourdement sur l'industrie manufacturière, pilier traditionnel de l'économie allemande. Parallèlement, la demande mondiale en baisse, notamment en provenance de la Chine, affecte les exportations allemandes.
En outre l’AfD a été soutenue par Elon Musk durant la campagne, tentant d’être l’unique recours pour pays miné par des débats sur l’immigration et le ressenti d’une criminalité galopante en critiquant au passage, l’inefficacité des partis traditionnels pour trouver des solutions..
Madame Weidel s’est déclarée prête à traduire en justice l’ancienne chancelière Merkel, responsable à ses yeux de l’arrivée massive de deux millions de migrants il y a quelques années...même en sachant pertinemment que c’était pour pallier à l’inquiétant déficit démographique engendrant une pénurie criante de main-d’œuvre…
En outre, elle s’affiche comme eurosceptique, prônant même le retrait de l’Allemagne de l’Union Européenne, l’abandon de l’Euro pour un retour au Deutche Mark ainsi que pour la sortie du marché commun européen, se rapprochant ainsi des autres partis populistes étrangers qui ont le vent en poupe..
Il est évident pour Monsieur Merz que la formation d’une coalition gouvernementale va s’annoncer compliquée, y compris sans l’AdD et les négociations pourraient durer très longtemps, ce qui n’est pas anormal dans un pays habitué à ce type de tractations autant politiques qu’hétéroclites, contrairement à son voisin français. Le futur chancelier devra trouver ainsi des appuis du côté du SPD et des Verts afin d’obtenir une majorité stable au Bundestag pour contrer l’épouvantail d’Extrême-Droite…
Nos voisins risquent de connaitre un printemps voire un été 2025 incertain avec une société Allemande qui se trouve confrontée à de sempiternels débats sur l’identité nationale, l’immigration et bien entendu sur la mémoire historique et qui luttera pour préserver les principes démocratiques fondamentaux. En conclusion, l'Allemagne est ainsi à la croisée des chemins, cherchant à équilibrer ses besoins économiques avec les préoccupations sociétales, tout en naviguant dans un paysage politique de plus en plus fragmenté….