Eh, Manu ! Tu dissous ? Et pour quoi faire ?
Editorial du 08 juillet
EDITORIAL
Philippe DUPONT.
Rappelez-vous, c’était le dimanche 9 juin 2024, à la suite des élections européennes marquées par une victoire écrasante du Rassemblement national et la cuisante défaite du camp présidentiel, Emmanuel Macron annonçait la dissolution de l’Assemblée nationale.
Ce geste aussi surprenant que spectaculaire visait à provoquer un sursaut démocratique. Certains, y compris dans l’entourage du chef de l’Etat ont même affiché leur désapprobation, à commencer par le Premier Ministre, Gabriel Attal.
D’autres y ont vu un simple « coup de poker » d’un Président en difficulté qui n’a finalement écouté que lui-même mais on a oublié, car on oublie très vite, que quelques jours auparavant, le nouveau leader du RN Jordan Bardella comme son fidèle lieutenant, Jean-Philippe Tanguy avait incité le chef de l’Etat à dissoudre l’Assemblée si leur parti arrivait largement en tête….
Un mois plus tard, les résultats des élections législatives ont conduit à une Assemblée nationale profondément divisée, sans majorité absolue avec trois blocs bien distincts : Le Bloc Central incarné par l’ancienne Majorité Macroniste, Le Nouveau Front Populaire ou l’esquisse d’une Union de la Gauche retrouvée et bien sûr le Rassemblement National, dont la possibilité de remporter l’élection a été contrariée par la mise en place d’un énième Front Républicain (un véritable « deal » entre les deux autres formations citées)
On connait la suite, la très grande difficulté à former un gouvernement, à trouver des compromis, à connaitre une motion de censure fatale à un gouvernement et depuis plus de 6 mois, un Premier Ministre qui déjà été chatouillé par l’épée de Damoclès au-dessus de sa tête ….
Dans ce contexte instable, la question d’une nouvelle dissolution revient sur la table, d’autant que le fameux délai légal d’un an conformément à l’article 12 de la Constitution pour pouvoir en déclencher une vient de s’écouler.
Possible, donc mais au fait à quoi servirait-elle ? Comme on a pu le constater, les différentes dissolutions sous la Vème République ont connu des fortunes diverses : la première en 1962, à la suite d’un reversement du gouvernement Pompidou fut un succès, renforçant même le pouvoir en place. On n’oublie pas celle de juin 1968 qui permit au pouvoir Gaulliste de sortir la tête haute de la grave crise provoquée par les évenements du mois de mai qui faillit le faire vaciller. Celles de 1981 et 1988 provoquées par l’élection puis la réélection de François Mitterrand afin d’être confortées par une majorité solide eurent des conséquences différentes : la première provoqua une « vague rose », la seconde ne dégagea qu’une « majorité relative », signe annonciateur du désastre électoral qu’allait connaitre la Gauche lors des législatives de 1993.
Mais la « dissolution la plus ratée » n’est pas celle provoquée par Emmanuel Macron en 2024 mais plutôt celle de Jacques Chirac en 1997 qui pourtant conforté par une très large majorité absolue permit à une gauche moribonde quatre ans plus haut de retrouver le chemin du pouvoir.
Aujourd’hui, il est évident que la donne est totalement différente et que le traditionnel duel Droite-Gauche en alternance que certains rêveraient de ressusciter parait donc bien compliqué tant le paysage politique est morcelé.
Alors provoquer pour une nouvelle dissolution pour sortir de l’impasse parlementaire reste la solution la plus inefficace puisque déjà testée sans succès il y a un an sinon que de permettre à l’un des deux acteurs de l’Opposition de pouvoir enfin l’emporter. On pense bien sûr au Rassemblement National qui a le « vent en poupe » malgré ses ennuis judiciaires mais qui pourrait une fois de plus être victime d’un énième front Républicain. La Gauche divisée en deux blocs bien distincts ne parait pas non plus en mesure de pouvoir créer la surprise…
L’idée de « reprendre la main » pour un Emmanuel Macron, très affaibli et critiqué (y compris dans son propre camp) reste des plus improbables, même s’il pourrait tenter de délégitimer un camp ou en renforcer un autre apparait comme une équation politique avec beaucoup trop d’inconnues….
Certains pensent alors à la démission du Président avant la fin de son mandat en 2027 et l’organisation de nouvelles élections législatives permettant au nouveau locataire de l’Elysée d’obtenir une majorité absolue mais une fois de plus, il est probable que le résultat serait le même qu’aujourd’hui, avec un pouvoir qui se cherche et une opposition mal préparée au rude exercice du pouvoir...


Philippe DUPONT