Charlie forever..
Editorial du 7 janvier.
EDITORIAL


Philippe DUPONT
Ce mercredi 7 janvier 2015, dans les locaux (secrets) de « Charlie Hebdo » situé rue Nicolas Appert à Paris, se tenait la traditionnelle « rentrée » de la rédaction du journal satirique…Les « piliers de la rédaction » étaient là : les dessinateurs : Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré, Riss et le directeur Charb. Des invités comme Michel Renaud ou la psychanalyste Elsa Cayat, le policier Franck Brinsolaro qui assurait la protection de Charb, le correcteur Mustapha Ourrad et l’économiste Bernard Marris, surnommé « l’Oncle Bernard »,
L’ambiance promettait placée d’être sous le signe de la bonne humeur chez ces éternels déconneurs, malgré les difficultés financières que rencontrait alors cette publication un peu en « perte de vitesse » ….On connait la suite : l’ambiance potache promise fut anéantie par l’irruption dans les locaux de deux individus armés, les Frères Kouachi, qui après avoir abattu le malheureux vigile de l’immeuble, Michel Boisseau, tirèrent à bout portant sur chacun des intervenants. Un bilan terrible : onze morts, décimant la « rédaction » et faisant autant de blessés, dont quatre très grièvement (parmi eux, l’actuel directeur Riss)….
On se souvient du témoignage du médecin-urgentiste, Patrick Peloux, également membre de la rédaction qui échappa à la tuerie car retenu à l’extérieur au moment du drame mais qui constata le décès de tous ses camarades de la rédaction à présent décimée…Morts, plutôt assassinés pour ne pas avoir cédé à la menace de ceux qui voulaient les réduire au silence pour cause de « blasphème » tandis qu’eux défendaient tout simplement le droit de s’exprimer et de critiquer même avec un humour très grinçant comme cela est le cas dans toute démocratie qui se respecte…
La France fut d’emblée « sous le choc » en apprenant cet acte aussi inimaginable que barbare, découvrant avec effarement le nombre des victimes au cours de cette journée funèbre qui n’était malheureusement que la première d’une série de trois qui généra de facto une atmosphère anxiogène et insoutenable à travers tout le pays….La cavale des deux frères se poursuivit de façon frénétique : ils continuèrent à tuer, abattant à bout portant dans la rue un brigadier de police, Ahmed Merabet qui tentait de bloquer leur fuite.
Ils entamèrent ensuite une longue cavale avant de se réfugier dans une imprimerie Seine et Marnaise, prenant en otage le personnel et où ils revendiquèrent leur attentat au nom de « Daesch » et de « Al Quaida », pourtant organisations rivales avant de mourir sous les balles des forces d’intervention. Ils avaient « cru » venger le Prophète des méfaits de ces « mécréants » de Charlie……
Parallèlement, celui que l’on décrira comme leur complice, Amedy Coulibaly, tua gratuitement une policière municipale, Clarissa Jean-Philippe à Montrouge avant de prendre en otage les clients d’un Hyper Cacher, situé Porte de Vincennes à Paris, faisant impitoyablement quatre victimes avant de lui-même connaitre le même sort que ses sinistres compagnons de combat….
Trois jours qui furent donc éprouvants pour l’Exécutif, présidé par François Hollande, son premier Ministre Manuel Valls et son ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve qui avaient déjà dû faire face aux précédentes menaces d’attentats qui planaient depuis quelques mois sur le pays…
Le futur Premier Ministre sera confronté de façon encore plus dramatique à un nouvel épisode sanglant lors des funestes journées de Novembre (un vendredi 13) avec les tueries du Stade de France et bien sûr du Bataclan et de ses environs…Le Chef de l’Etat, François Hollande eut le panache d’organiser un défilé composé de dirigeants étrangers venu apporter leur soutien à un peuple meurtri et surtout pour dire « non » à la barbarie….
On s’en souvient, l’émotion fut considérable en ce mois de janvier et connut alors un retentissement de portée planétaire : le monde devint subitement majoritairement « Charlie » …même si, ironie du sort, quelques semaines plus tôt, une grande partie du million et demi de participants à la manifestation monstre organisée à Paris et près de 4 millions à travers la France, le dimanche suivant ignorait jusqu’à l’existence du journal et de ses victimes….
Mais autre ironie qui n’aurait pas déplu à cette rédaction composée d’anars, de gauchos et autres réfractaires à tout système bien huilé : le numéro 1157, publié peu après la tragédie connut un des plus gros tirages de l’après-guerre avec plus de 8 millions d’exemplaires écoulés dans les jours qui suivirent. .
Dix ans après, personne n’a oublié ces journées tragiques auxquelles on peut intégrer l’épouvantable tuerie de la Promenade des Anglais le 14 juillet 2016, le souvenir reste tenace et toujours cette sidération face à cette folie qui poussa un groupe d’individus, des enfants « perdus » devenus d’abord délinquants puis soldats fous radicalisés, groupés comme isolés, prêts à commettre des atrocités et de sacrifier eux-mêmes au nom d’une pseudo- idéologie au dessein autant barbare qu’obscurantiste…
L’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau a rappelé, à l’issue de ces journées du souvenir que la menace de ce type de terrorisme n’est pas complètement éradiquée malgré une vigilance très renforcée et que les différents épisodes tragiques que nous venons d’évoquer qui avait alors déclenché des débats passionnés et profonds sur la liberté d’expression, la laïcité, la sécurité ou encore le vivre-ensemble en France sont toujours d’actualité…
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