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Editorial du 7 octobre

EDITORIALACTUALITÉ

Parler aujourd’hui de la crise politique française, c’est pointer Emmanuel Macron du doigt. Le président serait responsable de tout : de la colère sociale, du chaos institutionnel, de la montée du populisme. Mais si le macronisme a bien sa part de responsabilité, il n’est que le miroir d’un pays fracturé depuis longtemps.

La Ve République repose sur un mythe : celui d’un président fort capable de gouverner seul. Ce modèle ne fonctionne plus. Depuis 2022, Emmanuel Macron n’a plus de majorité absolue, et la France découvre à quel point elle ne sait pas faire de compromis. Ici, on ne gouverne pas avec l’adversaire : on le caricature. On ne négocie pas : on bloque. Résultat, le pays s’enfonce dans l’immobilisme et la rancune.

Le déclin des partis traditionnels n’est pas l’œuvre de Macron. Le PS s’est vidé de sens bien avant 2017, et la droite n’a jamais su se remettre du sarkozysme. Le président n’a fait qu’occuper le vide, créant un centre sans base populaire et laissant derrière lui un champ de ruines politiques. Le système tripolaire qui en résulte – macronistes, lepénistes, insoumis – est ingouvernable par nature.

Macron n’a pas inventé la colère française. Elle vient de loin : déserts médicaux, services publics dégradés, salaires bloqués, sentiment d’abandon dans les territoires. Le chef de l’État a aggravé ces fractures par son style vertical, son goût du pouvoir solitaire, son mépris parfois affiché. Mais il est l’enfant de ce système : formé par lui, produit par lui, prisonnier de lui.

Pendant que le président se crispe, ses adversaires hurlent plus qu’ils ne proposent. Le RN prospère sur la peur, LFI sur la rage. Ni l’un ni l’autre ne cherche à construire une majorité stable : ils préfèrent l’indignation permanente. En refusant le compromis, ils nourrissent la crise dont ils prétendent être les remèdes.

La vérité est plus cruelle : ce n’est pas seulement Macron qui est en crise, c’est la démocratie française elle-même. Institutions figées, culture politique infantile, méfiance envers tout pouvoir, rejet du réel – la France doute d’elle-même. Et tant que ce doute persistera, aucun président, quel qu’il soit, ne pourra la réconcilier avec elle-même.

Philippe Dupont